jzu

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LoV Space Charger

C'est bien joli, le bricolage d'amplis guitare à lampes, mais c'est dangereux aussi. Et les amplis eux-mêmes crachent fort : le moindre petit 5W est trop puissant en appartement quand on le pousse un peu. On se fait engueuler, et moi je suis pour la paix des ménages, surtout du mien. Heureusement, certaines lampes américaines "low-voltage" d'autoradio des années 60, dites à espace de charge, fournissent 40mW sous 12V (pour 10% de THD). Le principe de l'espace de charge consiste à polariser la première grille d'une tétrode ou d'une pentode pour accélérer les électrons de manière à compenser la faible tension de fonctionnement, comme une sorte d'accélérateur de particules de poche.

La 12K5 est la plus connue des lampes de puissance à espace de charge, mais la 12AL8 est un « compactron » intégrant une triode et une tétrode de puissance. On doit bien atteindre le quart de watt à fond avec une saturation maximale. D'autres peuvent tout aussi bien faire l'affaire, comme :

  • 12EC8 - triode + pentode
  • 12DY8 - triode + tétrode
  • 12FR8 - diode + triode + pentode

Quant aux lampes européennes, les EF98, EBF83, etc. étaient elles aussi conçues pour fonctionner sous 12V mais leur conception restait classique, et je ne connais pas de combo préampli/puissance dans la même enveloppe. Les autoradios n'étaient peut-être pas aussi fréquents à l'époque en Europe qu'aux USA, où les investisements industriels nécessaires à une nouvelle conception pouvaient paraître rentable.

La 12AL8, donc. Les specs incluant un schéma d'exemple, pas besoin de calculer les valeurs des composants (ce qui n'exclut pas de vérifier tout ça à titre d'exercice). Les schémas trouvés chez Sophtamp font intervenir une double triode en préampli ; pourquoi pas, mais je voulais encore plus simple, alors que les forums américains et allemands restent sur la même architecture. Et puis je ne suis pas très d'accord avec cette polarisation, je préfère en rester à celle des spécifications. Les premiers essais permettent de vérifier que le gain de la triode est trop faible et qu'il faut un premier étage de préampli. J'ai choisi un montage maintenant classique à la très bonne réputation, avec un FET au milieu de 3 ou 4 composants. Bref, l'architecture est hybride, ce qui permet de limiter la consommation électrique des filaments de chauffage. Le transistor est ici un BF245 (sur les conseils de l'excellent Kleuck, le Gecko Électrique) car il existe en 3 grades selon la polarisation désirée. Cela évite de les trier.

La question du transformateur de sortie pose plusieurs problèmes : il faut en trouver un avec le bon rapport d'impédances (de l'ordre de 100X), qui ne soit pas trop surdimensionné, pour un étage de sortie single-ended. Pas facile. Un transfo d'alimentation, peut-être ? Mais ce genre de bestiau est optimisé pour le 50/60 Hz, pas forcément pour le reste du spectre audio. La réponse est encore venue des forums américains et allemands où on préconisait l'utilisation d'un transfo ligne pour sono. Ceux-ci sont effectivement assez petits avec des rapports d'impédances corrects mais ils sont conçus pour une sortie en push-pull : il n'y a pas de vide au niveau de l'entrefer qui empêche la saturation du noyau par la composante continue due à la polarisation de l'unique lampe de sortie. Ce n'est peut-être pas grave car je pense qu'en fait la très faible tension ne suffit pas à saturer le noyau - on parle de 12V ici, pas de plusieurs centaines comme sur les amplis classiques. Il y a sur la baie des Monacor TR 1010 LC qui conviennent parfaitement.

LoV1.jpg

Étant donné le peu de composants mis en œuvre, autant faire le plus petit ampli possible, quitte à l'intégrer ensuite dans une caisse contenant un haut-parleur pour obtenir le micro-combo ultime. On trouve des petits coffrets alu pour 5€ sur lesquels le transfo de sortie se greffe tout juste.

LoV Space Charger

Résultat ? Surprise, il est assez puissant pour couvrir une conversation si on le branche dans un bon baffle. Une alimentation de 12V/1A lui suffit largement, donc aucun buzz et aucun danger d'électrocution. Et il est moche, mais les gens l'adorent : une synthèse parfaite de gomi et de kawaï, en quelque sorte.

Il sonne !

Il sonne un peu comme un Fender Champ à fond, bien cradingue mais suffisamment chaud pour ne pas lasser. On entend ici une Rickenbacker 620 à simples bobinages, volumes à moitié, en direct dans l'ampli, volume au quart. Le grain des micros est parfaitement respecté ; ce qui n'est pas le cas des TV Jones Power'tron de ma Gretsch, qui envoient trop de bois et rendent le son boueux, un peu comme sur le FR107.

Ensuite ? Peut-être un push-pull de tétrodes ou pentodes classiques montées en espace de charge, la première grille étant donc connectée au B+ sous 12V. On peut même prendre des lampes quelconques de récupération et les tester tout simplement après avoir consulté les specs - elles sont sensées fonctionner d'autant mieux que le circuit de chauffage consomme plus et que la tension d'anode nominale est plus faible. L'étage de préampli peut être assuré par une 12AU7 classique dans ces confiqurations ou par le même FET que ci-dessus, éventuellement doublé en série. Et en remplaçant la résistance et le condo de la cathode par une LED rouge. On peut aussi envisager deux compactrons... etc.

FR107

Trouvé dans la rue, une épaisse couche de crasse recouvrant sa peinture au four gris métallisé, il avait une jolie gueule d'appareil de laboratoire.

Love at first sight.

Il s'agit d'un ampli sono ou hi-fi mono datant du milieu des années 50 à vue de nez, avant l'apparition des EL84. Il contient un push-pull de 2 EL41 en polarisation auto, 2 ECC40, 1 EF86 et 1 EZ40A en redresseuse. L'intérieur est assez propre, tous les composants étant montés en l'air sur des barrettes. La plaque arrière indique « Film & Radio », modèle FR107, Paris 15e. Cette marque était celle d'un gros distributeur de matériel audio-visuel disparu dans les années 70, qui faisait également construire des amplis et des baffles.

FR107

FR107 innards

Hop, c'est parti pour une rénovation (et non une restauration, le but étant de s'en servir). Opérations de base :

  • Pose d'un câble secteur avec mise à la terre ;
  • Changement de tous les condensateurs électrolytiques, et aussi de ceux qui n'inspirent pas confiance ;
  • Remplacement des borniers d'entrée et des jacks bizarres de sortie, car les jacks téléphone 6.35 américains n'étaient pas encore standard en Europe à cette époque.

Après avoir tracé le circuit de sortie et en imaginant que les inscriptions .3 et .15 représentaient des valeurs en Ω, ça marche ! La bête revit à travers un HP Marshall de récup recollé au vernis à ongles. Et le voisin vient voir ce qui se passe. Mais ça buzze, ça craque et le son manque terriblement d'aigus.

À partir de ce moment, il faut faire très attention à décharger les condensateurs d'alimentation avec une résistance si on tient à la vie, et à travailler avec une main dans le dos quand le courant est branché. Un des condensateurs dont l'original avait l'air plus récent que les autres, et placé à un endroit suspect, est « relocalisé » et deux potards vraiment trop vieux partent à la poubelle. Toutes les lampes sont remplacées, ainsi que les résistances de cathode. Les craquements sont traqués avec un oscilloscope, un vieux Hameg trouvé sur eBay pour 40 euros ; ils provenaient d'une résistance. Finalement le rapport d'impédance du transfo de sortie est vérifié en injectant un signal sur le secondaire et en mesurant le primaire à l'oscillo (le rapport des impédances est égal au carré du rapport de tensions).

On branche une Rick à single coils sur l'entrée Ligne... Wham, bam, thank you mam, 9 watts de bonheur crunchesque attaquent sauvagement un Jensen P12Q hébergé dans un open back de 50x50x33 en MDF construit entre-temps. Le son reste un petit peu sombre mais rien de rédhibitoire, et il vaut mieux éviter les humbuckers à la TV Jones P'Tron pour ne pas s'embourber. Sur l'entrée Phono, le gain devient massif et la distortion harmonique aussi. Rugissements d'aise.

Il ne reste plus qu'à terminer la finition du caisson dans un tolex crème, corriger la bande passante dans le préampli et peut-être changer le potard de volume, pas assez progressif - ou baisser le gain en entrée.