En guise de suite au post sur le Diddley Bow, et parce qu'après tout on peut avoir besoin de six cordes sur une guitare...

J'ai trouvé sur eBay un manche d'électrique à 40 euros, il y a quelques mois de cela, du pur made in China avec un diapason Fender, un radius assez standard, un profil plutôt agréable, un bois ok, pas totalement brut mais vernis d'une seule couche fine (un chiffonnage), seul le métal des frettes étant d'une qualité discutable d'après Greg de DNG. Je le destinais à un projet de rénovation par ailleurs mais l'occasion fait le larron : je l'embarque en vacances pour une semaine, le temps de construire un instrument autour. La caisse ? Le cordier ? Le chevalet ? On verra sur place.

Il faut aussi des mécaniques. Un jeu de récupération fera l'affaire, en fait un assemblage hétéroclite de trois paires de vieilles mécas en ligne.

Les deux photos suivantes ont été prises avec un phone pas smart, d'où l'intéressant effet de floutage presque digne de Hamilton. L'aspect documentaire ne saurait éclipser une âme d'artiste qui... non, rien.

Pose des mécaniques

En attendant de trouver la caisse, on place les mécaniques et, petit souci, les trous des vis au dos de la tête ne correspondent pas. Le décalage fait parfois plus d'un millimètre. Il faut boucher ceux qui se trouvent presque à cheval sur les trous des mécanigues avec des petits éclats de bois pour que les vis entrent droit.

Par ailleurs, je cherche toujours une caisse... N'importe quoi, un bidon en métal, un jerrycan en plastique, une caisse en bois... Chou blanc. Les seuls bidons trouvés sont beaucoup trop souples même si la caisse doit être renforcée de toute manière. Je finis par dénicher une de ces valises d'électricien en alu sur bois de cagette. Ça ira, en passant un temps pas possible à gratter la mousse de l'intérieur qui assourdirait toute velléité de résonance.

Une petite boîte à thé (Hédiard, mazette) traîne par terre dans un coin. Je la déplie en séparant le fond, avec des pinces, puis je replie le bord sur 1mm pour qu'il ne tranche pas. Six petits trous au milieu, là où la feuille de métal sera pliée en deux, et voilà pour le cordier.

Quant au chevalet, j'ai déjà repéré une lame de couteau cassée. Il suffit de frotter le bord du haut contre une pierre pour en arrondir les arêtes, le côté de la lame allant se ficher dans un support. Tiens, justement, un bout de vieille rampe d'escalier en acajou, scié aux bonnes dimensions, par exemple, ça peut le faire.

Il faut renforcer la caisse et fournir un support un peu solide au manche. Un pied de lit d'enfant a presque la bonne taille, une traverse un peu bricolée complète le renfort. C'est donc là-dedans qu'on visse le cordier et le manche, le plus droit possible.

Valise et armature

Le montage des cordes est fastidieux parce qu'il faut les enfiler par le côté du cordier pour viser les petits trous. Elles sont passées dans les mécaniques et tendues au minimum pour poser le chevalet. Qui s'avère trop haut (scié à la bonne taille, tu parles) et qu'il faut reprendre. Une heure plus tard, tout est assemblé, cordes tendues, chevalet ajusté puisqu'il est flottant ; premiers essais.

Le manche se retrouve en fait un poil de travers, quasiment rien, mais quand même, ce qui fait que les cordes se retrouvent un peu décalées sur le manche. Le chevalet reste un peu trop haut et l'action, l'éloignement des cordes par rapport à la touche, est trop importante. Enfin, les trous du cordier sont trop rapprochés les uns des autres. Ce n'est pas tant dû au fait qu'ils ont été percés au pif (mais alors, complètement) qu'à la largeur insuffisante du bout de tôle utilisé.

Guitare complète

Rien de tout cela n'est grave parce qu'il suffit de desserrer les vis qui tiennent le manche, d'ajouter une petite cale pour ajuster le renversement, la jonction entre la caisse et le manche. Ce faisant, je peux régler finement l'inclinaison latérale. Et pour l'écartement des cordes entre elles, bah, il n'y a qu'à s'y faire.

Admirons l'accastillage.

Accastillage

Shake some action. Ça sonne ? Très mince, mais pas trop désagréable. Assez métallique tant que les cordes sont neuves. Il faudrait idéalement une scie cloche pour percer deux ouies rondes dans le couvercle de la valise et donner ainsi un peu d'ampleur au son.

Démonstration en 13 secondes.

Le principal inconvénient de ce montage est que le manche se retrouve à peu près à deux kilomètres vers l'avant. C'est assez fatigant et condamne finalement l'instrument qui ne survit pas à la fin des vacances. Le manche retrouvera sa destination initiale, dans un avenir imprécis mais radieux. Les autres éléments attendront de prochaines vacances avec un manche de récupération voire, pourquoi pas, fait main avec des frettes en gros fil de fer, totalement à l'africaine. Oui, c'est du vice mais, justement, c'est meilleur.

En guise de conclusion, il n'y en aura pas... mais, à la place, vous aurez droit au cor corse dont rêvait Monique : une embouchure en plastique, un tuyau d'arrosage et un entonnoir.

Corsican Horn