Trouvé dans la rue, une épaisse couche de crasse recouvrant sa peinture au four gris métallisé, il avait une jolie gueule d'appareil de laboratoire.

Love at first sight.

Il s'agit d'un ampli sono ou hi-fi mono datant du milieu des années 50 à vue de nez, avant l'apparition des EL84. Il contient un push-pull de 2 EL41 en polarisation auto, 2 ECC40, 1 EF86 et 1 EZ40A en redresseuse. L'intérieur est assez propre, tous les composants étant montés en l'air sur des barrettes. La plaque arrière indique « Film & Radio », modèle FR107, Paris 15e. Cette marque était celle d'un gros distributeur de matériel audio-visuel disparu dans les années 70, qui faisait également construire des amplis et des baffles.

FR107

FR107 innards

Hop, c'est parti pour une rénovation (et non une restauration, le but étant de s'en servir). Opérations de base :

  • Pose d'un câble secteur avec mise à la terre ;
  • Changement de tous les condensateurs électrolytiques, et aussi de ceux qui n'inspirent pas confiance ;
  • Remplacement des borniers d'entrée et des jacks bizarres de sortie, car les jacks téléphone 6.35 américains n'étaient pas encore standard en Europe à cette époque.

Après avoir tracé le circuit de sortie et en imaginant que les inscriptions .3 et .15 représentaient des valeurs en Ω, ça marche ! La bête revit à travers un HP Marshall de récup recollé au vernis à ongles. Et le voisin vient voir ce qui se passe. Mais ça buzze, ça craque et le son manque terriblement d'aigus.

À partir de ce moment, il faut faire très attention à décharger les condensateurs d'alimentation avec une résistance si on tient à la vie, et à travailler avec une main dans le dos quand le courant est branché. Un des condensateurs dont l'original avait l'air plus récent que les autres, et placé à un endroit suspect, est « relocalisé » et deux potards vraiment trop vieux partent à la poubelle. Toutes les lampes sont remplacées, ainsi que les résistances de cathode. Les craquements sont traqués avec un oscilloscope, un vieux Hameg trouvé sur eBay pour 40 euros ; ils provenaient d'une résistance. Finalement le rapport d'impédance du transfo de sortie est vérifié en injectant un signal sur le secondaire et en mesurant le primaire à l'oscillo (le rapport des impédances est égal au carré du rapport de tensions).

On branche une Rick à single coils sur l'entrée Ligne... Wham, bam, thank you mam, 9 watts de bonheur crunchesque attaquent sauvagement un Jensen P12Q hébergé dans un open back de 50x50x33 en MDF construit entre-temps. Le son reste un petit peu sombre mais rien de rédhibitoire, et il vaut mieux éviter les humbuckers à la TV Jones P'Tron pour ne pas s'embourber. Sur l'entrée Phono, le gain devient massif et la distortion harmonique aussi. Rugissements d'aise.

Il ne reste plus qu'à terminer la finition du caisson dans un tolex crème, corriger la bande passante dans le préampli et peut-être changer le potard de volume, pas assez progressif - ou baisser le gain en entrée.