Youpi Youpi Yeah n'est plus, car Do n'est plus. Do en était le bassiste et surtout le pilier, celui qui lançait les riffs autour desquels toutes les compositions s'organisaient. Il est mort d'une rupture d'anévrisme, le genre de saleté qui peut arriver à n'importe qui n'importe quand.

Do

Dominique Caillerez était aussi un luthier réputé et un magicien du fer à souder. Les cimetières sont remplis de gens irremplaçables mais, dans son cas, je ne vois pas qui pourrait joindre la même expérience en lutherie et la précision insensée avec laquelle il soudait des fils de l'épaisseur d'un cheveu, le tout en lâchant une anecdote, deux blagues et trois calembours. Au delà de la disparition d'un individu exceptionnel, les guitaristes et bassistes qui étaient sûrs auparavant d'une réparation parfaite de leur électronique vont ressentir un grand vide.

Ce sont en fait deux groupes qui ont explosé en plein vol : Youpi Youpi Yeah, donc, où j'officiais à la guitare, et Apologies, un trio où Dimi Dero tenait là aussi la batterie pendant que Sofy Perez chantait et que Do lançait boucle sur boucle pour jouer par dessus, à grands coups de sa Jazz Bass de 65 à travers des fuzz et des Digitech diverses vers un ampli spécialement construit pour lui dans un chassis de radio de tank (huit 6L6 pour 240 watts), et un Roland JC120 pour les aigus.

Vous ne connaissez pas Youpi Youpi Yeah et c'est normal. Il y a eu relativement peu de concerts, généralement confidentiels, hormis une participation au festival All Tomorrow's Parties à Minehead en Angleterre. Aucune campagne marketing, aucun plan media. Le CD était prêt depuis des mois et des mois mais on ne l'avait reçu que le dimanche précédent. Un concert était prévu le lendemain aux Combustibles.

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Putain de bon groupe, disait Dimi. Putain de bon groupe, de l'avis général. Joe Hell était, est, un chanteur hanté, un auteur accompli et un vrai mélodiste, ce qui reste trop rare dans le rock français. À côté, les musiciens (Delphine Thirteen, Jean Zundel, Do, Dimi Dero et Carole Kloo) mettaient à profit des années d'expérimentation - des jam bands au R'n'R en passant par le jazz - pour asséner un rock sombre hors des sentiers battus. L'équilibre entre le bordel créatif des uns et l'exigence des autres donnait un résultat sans équivalent.

Putain de bon groupe, oui.

Heureusement, l'album est là pour le prouver, même s'il aurait pu être plus produit - là, il représente le groupe tel qu'il était et c'est déjà plus que pas mal, et Warren Ellis joue même du violon et de la mandoline sur quelques titres. Heureusement, Do l'a eu entre les mains et l'a rapporté chez lui avant sa disparition. Heureusement, il est maintenant disponible pour tout le monde.

Do, R.I.P. Les autres... carpe diem.